Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 04 avril 2006

La révolte du pronétariat : Joël de Rosnay entre Marx et Wiener

medium_couverture-livre.gifJoël de Rosnay, avec ce dernier livre écrit en collaboration avec un doctorant de Paris X, Carlo Revelli, fait mouche par un titre évocateur d’un passé glorieux. L’invention de ce néologisme « pronétariat » donne à penser que les forces productives assimilées aux ouvriers trouveraient une nouvelle portée révolutionnaire en se reconstituant grâce à internet.

L’homme symbiotique d’un précédent ouvrage devient le nouveau prolétaire. L’impression générale de ce dernier livre, empreint d’une grande générosité humaine, reste malgré tout marquée par une certaine naïveté dans la perception des rapports sociaux.


L’analyse « marxiste » de Joël de Rosnay transpose la question de la propriété des moyens de production et de la vente de la force de travail : les « infocapitalistes » propriétaires des mass média voient leur pouvoir menacé par les pronétaires qui investissent le média des masses qu’est internet.

Cette révolution est permise par la simplification pour les usagers des outils d’édition qui ne réserve plus l’acte d’émettre aux fortunés ou aux spécialistes. Nous sommes entrés dans une économie de l’abondance qui supplante l’économie de la rareté et ce modèle bouleverse les schémas anciens. Il s’agit moins de distribuer (vendre) des contenus que d’échanger de pair à pair. L’internaute peut s’approprier une part de la puissance par une contribution directe, une « micro-liberté » qui contribue à la démocratie.

Le site dédié au « journalisme citoyen » créé par Joël de Rosnay, Agora Vox, est une mise en pratique de cette vision qui reprend de fait comme Marx une part d’avant-gardisme mais cette fois par la technologie et la maîtrise de l’écriture. Cela rappelle quelque peut les théories cybernétiques et Teilhard de Chardin.

Quant au journalisme amateur, il ne peut être paré de toutes les vertus. Par exemple, sur le site de partage en ligne de photographies Flickr, nous retrouvions plus de photos des violences que des manifestations elles-mêmes certains jours. La recherche du sensationnel n’épargne personne !

S’il est vrai que nous sommes tous des « pronétaires », la critique du journalisme ne peut suffire à rendre angélique le déferlement des possibles sur internet. Tous les « pronétaires » ne sont pas égaux en droit et en fait. C’est probablement l’oubli majeur de ce livre que de ne pas prendre en compte les principales ruptures sociales et culturelles sur internet. Le « pronétariat » n’est pas bon par nature. Sa dictature n’est pas forcément une bonne chose. Si l’idée paraît séduisante, ne refaisons pas les mêmes erreurs…

« S’organisant en une seule entité, le Web peut faire émerger une intelligence et même une véritable conscience collectives. Il met ainsi en question les relations de pouvoir verticales qui régissent aujourd’hui les sphères de l’économique et du politique. Joël de Rosnay montre qu’il devient en fait un outil puissant entre les mains des citoyens pour faire naître une économie et une démocratie nouvelles. »

Cette affirmation de la 4è de couverture du livre inverse je crois le paradigme de la démocratie et confirme l’influence de Wiener dans cette vision. Ne faut-il pas préciser dans le « web peut faire… » les conditions sociales et culturelles des possibilités réelles du net ?

Cependant on retrouve dans le livre la notion marxiste de "rupture" qui est pertinente. Faut-il la réduire à internet? Probablement pas, car si révolution il y a elle est technologique au sens large et pas seulement informationnelle.

En conclusion, ce livre passionnant reste marqué par une certaine utopie techniciste mais a l’immense mérite de nous interroger d’une manière un peu décalée sur ce qui se passe sous nos yeux de citoyens.

Les commentaires sont fermés.