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lundi, 15 janvier 2007

Contribution au débat électoral...

medium_blanqui1.jpgJe n'ai pas résisté à publier un extrait d'un texte d'Auguste Blanqui. Ce sera ma contribution à la campagne électorale...Le passage sur les barricades est un délice, ainsi que le sens du détail. Dédié aux candidats en recherche d'idées.

"L'armée n'a sur le peuple que deux grands avantages, le fusil Chassepot et l'organisation. Ce dernier surtout est immense, irrésistible. Heureusement on peut le lui ôter, et dans ce cas, l'ascendant passe du côté de l'insurrection...Ce programme est purement militaire et laisse entièrement de côté la question politique et sociale, dont ce n'est point ici la place ...

Source : Auguste Blanqui. Instructions pour une prise d'armes. L'Éternité par les astres, hypothèse astronomique et autres textes, Société encyclopédique française, Editions de la Tête de Feuilles. 1972)


« Ce programme est purement militaire et laisse entièrement de côté la question politique et sociale, dont ce n'est point ici la place : il va sans dire d'ailleurs, que la révolution doit se faire au profit du travail contre la tyrannie du capital, et reconstituer la société sur la base de la justice.

Une insurrection parisienne, d'après les vieux errements, n'a plus aujourd'hui aucune chance de succès.

En 1830, le seul élan populaire a pu suffire à jeter bas un pouvoir surpris et terrifié par une prise d'armes, événement inouï, qui était à mille lieux de ses prévisions.

Cela était bon une fois. La leçon a profité au gouvernement, resté monarchique et contre-révolutionnaire, bien que sorti d'une Révolution. Il s'est mis à étudier la guerre des rues, et il y a repris bientôt la supériorité naturelle de l'art et de la discipline sur l'inexpérience et la confusion.

Cependant, dira-t-on, le peuple en 1848, a vaincu par la méthode de 1830. Soit. Mais point d'illusions ! La victoire de février n'est qu'un raccroc. Si Louis-Philippe s'était sérieusement défendu, force serait restée aux uniformes.

A preuve les journées de juin. C'est là qu'on a pu voir combien est funeste la tactique, ou plutôt l'absence de tactique de l'insurrection. Jamais elle n'avait eu la partie aussi belle : dix chances contre une.

D'un côté, le Gouvernement en pleine anarchie, les troupes démoralisées : de l'autre, tous les travailleurs debout et presque certains du succès. Comment ont-ils succombé ?

Par défaut d'organisation. Pour se rendre compte de leur défaite, il suffit d'analyser leur stratégie.

Le soulèvement éclate. Aussitôt, dans les quartiers du travail, les barricades s'élèvent ça et là, à l'aventure, sur une multitude de points.

Cinq, dix, vingt, trente, cinquante hommes, réunis par hasard, la plupart sans armes, commencent à renverser des voitures, lèvent et entassent des pavés pour barrer la voie publique, tantôt au milieu des rues, plus souvent à leur intersection. Quantité de ces barrages seraient à peine un obstacle au passage de la cavalerie.

Parfois, après une grossière ébauche de retranchement, les constructeurs s'éloignent pour aller à la recherche de fusils et de munitions.

En juin, on a compté plus de six cents barricades, une trentaine au plus ont fait à elles seules tous les frais de la bataille. Les autres, dix-neuf sur vingt, n'ont pas brûlé une amorce. De là, ces glorieux bulletins qui racontaient avec fracas l'enlèvement de cinquante barricades, où il ne se trouvait pas une âme.

Tandis qu'on dépave ainsi les rues, d'autres petites bandes vont désarmer les corps de garde ou saisir la poudre et les armes chez les arquebusiers. Tout cela se fait, sans concert ni direction, au gré de la fantaisie individuelle.

Peu à peu, cependant, un certain nombre de barricades, plus hautes, plus fortes, mieux construites, attirent de préférence les défenseurs qui s'y concentrent. Ce n'est point le calcul, mais le hasard qui détermine l'emplacement de ces fortifications principales.

Quelques-unes seulement, par une sorte d'inspiration militaire assez concevable, occupent les grands débouchés.

Durant cette première période de l'insurrection, les troupes, de leur côté, se sont réunies. Les généraux reçoivent et étudient les rapports de police. Ils se gardent bien d'aventurer leurs détachements sans données certaines, au risque d'un échec qui démoraliserait le soldat. Dès qu'ils connaissent bien les positions des insurgés, ils massent les régiments sur divers points qui constitueront désormais la base des opérations.

Les armées sont en présence. Voyons leurs manœuvres. Ici va se montrer à nu le vice de la tactique populaire, cause certaine des désastres.

Point de direction ni de commandement général, pas même de concert entre les combattants. Chaque barricade a son groupe particulier, plus ou moins nombreux, mais toujours isolé. Qu'il compte dix ou cent hommes, il n'entretient aucune communication avec les autres postes. Souvent il n'y a pas même un chef pour diriger la défense, et s'il y en a, son influence est à peu près nulle. Les soldats n'en font qu'à leur tête. Ils restent, ils partent, ils reviennent, suivant leur bon plaisir. Le soir, ils vont se coucher.

Par suite de ces allées et venues continuelles, on voit le nombre des citoyens présents varier rapidement, du tiers, de moitié, quelquefois des trois quarts. Personne ne peut compter sur personne. De là défiance du succès et découragement.

De ce qui se passe ailleurs on ne sait rien et on ne s'embarrasse pas davantage. Les canards circulent, tantôt noirs, tantôt roses. On écoute paisiblement le canon et la fusillade, en buvant sur le comptoir du marchand de vins. Quant à porter secours aux positions assaillies, on n'en a pas même l'idée. « Que chacun défende son poste, et tout ira bien », disent les plus solides. Ce singulier raisonnement tient à ce que la plupart des insurgés se battent dans leur propre quartier, faute capitale qui a des conséquences désastreuses, notamment les dénonciations des voisins, après la défaite.

Car, avec un pareil système, la défaite ne peut manquer. Elle arrive à la fin dans la personne de deux ou trois régiments qui tombent sur la barricade et en écrasent les quelques défenseurs. Toute la bataille n'est que la répétition monotone de cette manœuvre invariable. Tandis que les insurgés fument leur pipe derrière les tas de pavés, l'ennemi porte successivement toutes ses forces sur un point, puis sur un second, un troisième, un quatrième, et il extermine ainsi en détail l'insurrection.

Le populaire n'a garde de contrarier cette commode besogne. Chaque groupe attend philosophiquement son tour et ne s'aviserait pas de courir à l'aide du voisin en danger.

Non « il défend son poste, il ne peut pas abandonner son poste. »

Et voilà comme on périt par l'absurde !

Lorsque, grâce à une si lourde faute, la grande révolte Parisienne de 1848 a été brisée comme verre par le plus pitoyable des gouvernements, quelle catastrophe n'aurait-on pas à redouter, si on recommençait la même sottise devant un militarisme farouche, qui a maintenant à son service les récentes conquêtes de la science et de l'art, les chemins de fer, le télégraphe électrique, les canons rayés, le fusil Chassepot ?

Par exemple, ce qu'il ne faut pas compter comme un des nouveaux avantages de l'ennemi, ce sont les voies stratégiques qui sillonnent maintenant la ville dans tous les sens. On les craint, on a tort. Il n'y a pas à s'en inquiéter. Loin d'avoir créé un danger de plus à l'insurrection, comme on se l'imagine, elles offrent au contraire un mélange d'inconvénients et d'avantages pour les deux partis. Si la troupe y circule avec plus d'aisance, par contre elle y est exposée fort à découvert.

De telles rues sont impraticables sous la fusillade. En outre, les balcons, bastions en miniature, fournissent des feux de flanc que ne comportent point les fenêtres ordinaires. Enfin, ces longues avenues en ligne droite méritent parfaitement le nom de boulevards qu'on leur a donné. Ce sont en effet de véritables boulevards qui constituent des fronts naturels d'une très grande force.

L'arme par excellence dans la guerre des rues, c'est le fusil. Le canon fait plus de bruit que de besogne. L'artillerie ne pourrait agir sérieusement que par l'incendie. Mais une telle atrocité, employée en grand et comme système, tournerait bientôt contre ses auteurs et ferait leur perte.

La grenade, qu'on a pris la mauvaise habitude d'appeler bombe, est un moyen secondaire, sujet d'ailleurs à une foule d'inconvénients; elle consomme beaucoup de poudre pour peu d'effet, est d'un maniement très dangereux, n'a aucune portée et ne peut agir que des fenêtres. Les pavés font presque autant de mal et ne coûtent pas si cher. Les ouvriers n'ont pas d'argent à perdre.

Pour l'intérieur des maisons, le revolver et l'arme blanche, baïonnette, épée, sabre et poignard. Dans un abordage la pique ou la pertuisane de huit pieds triompherait de la baïonnette.

L'armée n'a sur le peuple que deux grands avantages, le fusil Chassepot et l'organisation. Ce dernier surtout est immense, irrésistible. Heureusement on peut le lui ôter, et dans ce cas, l'ascendant passe du côté de l'insurrection.

Dans les luttes civiles, les soldats sauf de rares exceptions, ne marchent qu'avec répugnance, par contrainte et par eau-de-vie. Ils voudraient bien être ailleurs et regardent plus volontiers derrière que devant eux. Mais une main de fer les retient esclaves et victimes d'une discipline impitoyable ; sans affection pour le pouvoir, ils n'obéissent qu'à la crainte et sont incapables de la moindre initiative. Un détachement coupé est un détachement perdu. Les chefs ne l'ignorent pas, s'inquiètent avant tout de maintenir les communications entre tous leurs corps. Cette nécessité annule une partie de leur effectif.

Dans les rangs populaires, rien de semblable. Là on se bat pour une idée. Là on ne trouve que des volontaires, et leur mobile est l'enthousiasme, non la peur. Supérieurs à l'adversaire par le dévouement, ils le sont bien plus encore par l'intelligence. Ils l'emportent sur lui dans l'ordre moral et même physique, par la conviction, la vigueur, la fertilité des ressources, la vivacité de corps et d'esprit, ils ont la tête et le cœur. Nulle troupe au monde n'égale ces hommes d'élite.

Que leur manque-t-il donc pour vaincre ? Il leur manque l'unité et l'ensemble qui fécondent, en les faisant concourir au même but, toutes ces qualités que l'isolement frappe d'impuissance. Il leur manque l'organisation. Sans elle, aucune chance.

L'organisation, c'est la victoire; l'éparpillement, c'est la mort.

Juin 1848 a mis cette vérité hors de conteste. Que serait-ce donc aujourd'hui ? Avec les vieux procédés, le peuple tout entier succomberait si la troupe voulait tenir, et elle tiendra tant qu'elle ne verra devant elle que des forces irrégulières, sans direction. Au contraire, l'aspect d'une armée parisienne en bon ordre manœuvrant selon les règles de la tactique frappera les soldats de stupeur et fera tomber leur résistance.

Une organisation militaire, surtout quand il faut l'improviser sur le champ de bataille, n'est pas une petite affaire pour notre parti. Elle suppose un commandement en chef et, jusqu'à un certain point, la série habituelle des officiers de tous grades. Où prendre ce personnel ? Les bourgeois révolutionnaires et socialistes sont rares et le peu qu'il y en a ne fait que la guerre de plume. Ces messieurs s'imaginent bouleverser le monde avec leurs livres et leurs journaux, et depuis seize ans ils barbouillent du papier à perte de vue, sans se fatiguer de leurs déboires, ils souffrent avec une patience chevaline le mors, la selle, la cravache, et ne lâcheraient pas une ruade. Fi donc ! Rendre les coups ! C'est bon pour des goujats.

Ces héros de l'écritoire professent pour l'épée le même dédain que l'épauletier pour leurs tartines. Ils ne semblent pas se douter que la force est la seule garantie de la liberté, qu'un pays est esclave où les citoyens ignorent le métier des armes et en abandonnent le privilège à une caste ou a une corporation.

Dans les républiques de l'antiquité, chez les Grecs et les Romains, tout le monde savait et pratiquait l'art de la guerre. Le militaire de profession était une espèce inconnue.

Cicéron était général, César avocat. En quittant la toge pour l'uniforme, le premier venu se trouvait colonel ou capitaine et ferré à glace sur l'article. Tant qu'il n'en sera pas de même en France, nous resterons les Pékins taillés à merci par les traîneurs de sabre.

Des milliers de jeunes gens instruits, ouvriers et bourgeois, frémissent sous un joug abhorré. Pour le briser, songent-ils à prendre l'épée ? Non ! la plume, toujours la plume, rien que la plume. Pourquoi donc pas l'une et l'autre, comme l'exige le devoir d'un Républicain ? En temps de tyrannie, écrire est bien, combattre est mieux, quand la plume esclave demeure impuissante. Eh bien ! Point ! On fait un journal, on va en prison, et nul ne songe à ouvrir un livre de manœuvres, pour y apprendre en vingt-quatre heures le métier qui fait toute la force de nos oppresseurs, et qui nous mettrait dans la main notre revanche et leur châtiment.

Mais à quoi bon ces plaintes ? C'est la sotte habitude de notre temps de se lamenter au lieu de réagir. La mode est aux jérémiades. Jérémie pose dans toutes les attitudes, il pleure, flagelle, il dogmatise, il régente, il tonne, fléau lui-même entre tous les fléaux.

Laissons ces bobèches de l'élégie, fossoyeurs de la liberté ! Le devoir d'un révolutionnaire, c'est la lutte toujours, la lutte quand même, la lutte jusqu'à extinction.

Les cadres manquent pour former une armée ? Eh bien ! Il faut en improviser sur le terrain même, pendant l'action. Le peuple de Paris fournira les éléments, anciens soldats, ex-gardes nationaux. Leur rareté obligera de réduire à un minimum le chiffre des officiers et sous-officiers. Il n'importe. Le zèle, l'ardeur, l'intelligence des volontaires, compenseront ce déficit.

L'essentiel, c'est de s'organiser. Plus de ces soulèvements tumultueux, à dix mille têtes isolées, agissant au hasard, en désordre, sans nulle pensée d'ensemble, chacun dans son coin et selon sa fantaisie ! Plus de ces barricades à tort et à travers, qui gaspillent le temps, encombrent les rues, et entravent la circulation, nécessaire à un parti comme à l'autre. Le Républicain doit avoir la liberté de ses mouvements aussi bien que les troupes.

Point de courses inutiles, de tohu-bohu, de clameurs ! Les minutes et les pas sont également précieux. Surtout ne pas se claquemurer dans son quartier ainsi que les insurgés n'ont jamais manqué de le faire, à leur grande dommage. Cette manie, après avoir causé la défaite, a facilité les proscriptions. Il faut s'en guérir, sous peine de catastrophe.

Ces préliminaires posés, indiquons le mode d'organisation.

L'unité principale est le bataillon. Il se compose de huit compagnies ou pelotons.

Chaque compagnie compte un lieutenant, quatre sergents, cinquante six soldats; en tout soixante et un hommes.

Deux compagnies forment une division commandée par un capitaine. Le bataillon présente par conséquent treize officiers, savoir: un commandant, quatre capitaines, huit lieutenants, plus 32 sergents, 448 soldats et le porte-drapeau, total: 494 hommes. Les tambours sont en sus, si on en trouve.

La rareté prévue de l'élément qui forme les cadres, oblige de supprimer dans chaque compagnie deux officiers, le capitaine et le sous-lieutenant, deux sous-officiers, le sergent-major et le fourrier, enfin les huit caporaux. L'état-major de la compagnie se trouve ainsi réduit de seize à cinq individus. Il est vrai qu'elle est moins nombreuse que dans l'armée, où elle compte 90 hommes sur pied de guerre. Proportion gardée, c'est une différence d'état-major de cinq à onze.

Le chiffre de la compagnie est faible, afin de faciliter les manœuvres tant du peloton que du bataillon.

Le capitaine, au lieu de commander un peloton comme dans la troupe, en commande deux, c'est-à-dire une division. Cependant les manœuvres par division n'auront presque jamais lieu. A peu près impraticables dans Paris, elles ne peuvent servir qu'à plier le bataillon en masse Par divisions, sur une place ou une grande voie. Mais il importe de donner un chef spécial à la division, soit qu'elle occupe une, deux ou quatre barricades.

Dans le premier cas, la barricade est importante par le nombre de ses défenseurs. Dans les deux autres, il est essentiel de ne pas laisser dans une direction supérieure les deux ou quatre petits postes.

 

Organisation du peloton.

Le peloton se divise en deux sections, chacune de 28 soldats et de deux sous-officiers.

La section se subdivise en deux demi-sections, chacune de 14 soldats et un sous-officier.

Place des officiers et sous-officiers dans le peloton en bataille.

Le lieutenant à la droite de son peloton, au premier rang.

Le premier sergent derrière le lieutenant, au second rang.

Le deuxième sergent, à la gauche de la section de droite, au premier rang.

Le troisième sergent, derrière le deuxième, à la droite de la section de gauche, au second rang.

Le quatrième sergent, à la gauche de la section de gauche et du peloton, au premier rang.

Des guides.

Le premier sergent est guide de droit du peloton et de la section de droite. Il est guide de droite et de gauche de la première demi-section de droite.

Le deuxième sergent est guide de gauche de la section de droite. Il est guide de droite et de gauche de la seconde demi-section de droite. Il est porte-fanion du peloton.

Le troisième sergent est guide de droite de la section de gauche. Il est guide de droite et de gauche de la première demi-section de gauche.

Le quatrième sergent est guide de gauche du peloton et de la section de gauche. Il est guide de droite et de gauche de la seconde demi-section de gauche.

Placer les officiers et sous-officiers, quand le bataillon est en colonne, la droite ou la gauche en tête.

1° En colonne, par pelotons, le lieutenant se tient à droite du peloton. Les premiers, deuxièmes et quatrièmes sergents, au premier rang, le troisième au second rang, derrière le deuxième ;

2° En colonne par sections, le lieutenant se tient à droite de la section de tête. Les quatre sergents à droite et à gauche de leurs sections respectives au premier rang ;

3° En colonne par demi-sections le lieutenant se tient à la droite de la demi-section de tête. Les quatre sergents, étant guides de droite et de gauche de leurs demi-sections, sont tantôt à droite, tantôt à gauche, selon le commandement, toujours au premier rang.

Les deux sergents qui se trouvent aux extrémités du bataillon en bataille, en sont guides de droite et de gauche et se tiennent au premier rang. Le lieutenant du peloton de droite, s'écarte à droite, pour faire place au guide.

Place des capitaines, en bataille et en colonne :

Le bataillon étant en bataille, les capitaines se tiennent à quelques pas en arrière du centre de leurs divisions respectives. Le bataillon étant en colonne, chaque capitaine se tient sur le flanc gauche de sa division.

Le chef de bataillon n'a point de place fixe.

Nota. - Les quatre sous-officiers restent constamment dans les rangs qu'ils encadrent.

Ils ne sont jamais en serre-file comme dans la troupe. Les ouvriers Parisiens, volontaires au service de la liberté, n'ont pas besoin de sergents pousseculs.

Place du porte-drapeau, en bataille et en colonne

1° en bataille, le porte-drapeau est à la gauche du quatrième peloton, au premier rang ;

2° en colonne, par divisions, le porte-drapeau est au centre, à égale distance entre la seconde et la troisième divisions ;

3° en colonne, par pelotons, le porte-drapeau est à gauche, dans l'alignement des guides, à égale distance entre le quatrième et le cinquième peloton ;

4° en colonne par sections, ou par demi-sections, le porte-drapeau est au centre, à. égale distance entre le quatrième et le cinquième peloton.

Le drapeau est rouge, - chaque compagnie a son fanion ou guidon de couleur particulière :

1° peloton-fanion rouge ;

2° peloton-fanion violet;

3° peloton-fanion verd (sic);

4° peloton-fanion jaune;

5° peloton-fanion bleu;

6° peloton-fanion rose;

7° peloton-fanion orange;

8° peloton-fanion noir.

Les officiers et sous-officiers porteront, comme insignes, un ruban de couleur du guidon de leur compagnie, les lieutenants au bras gauche, entre l'épaule et le coude, les sergents au poignet gauche. Le ruban de la 8e compagnie sera noir à double liseré rouge.

Les capitaines porteront entre l'épaule et le coude un ruban de la couleur de chacune des deux compagnies formant leur division, au bras droit du peloton impair, au bras gauche celui du peloton pair. Le ruban noir du 4e capitaine aura double liseré rouge.

Le chef de bataillon porte au bras gauche, entre l'épaule et le coude, un large ruban rouge, à frange pendante.

Le numéro de chaque bataillon sera inscrit au haut de la hampe du fanion de ses huit compagnies.

Les diverses couleurs tant des fanions que des officiers et sous-officiers, ont pour but de faire reconnaître a première vue dans la mêlée les différentes compagnies et d'opérer un prompt ralliement.

Chaque homme occupant deux pieds dans le rang, la demi-section a cinq mètres de front, la section dix, le peloton, vingt, la division, quarante, le bataillon, cent soixante.

Il faut toujours manœuvrer avec 70 ou 75 centimètres de distance entre les deux rangs, afin que le second rang ne soit pas obligé d'emboîter le pas, chose très incommode pour des novices. Si on doit faire feu, le deuxième rang serre le premier, afin de passer les fusils entre les têtes des hommes du premier rang.

Des manœuvres.

Tous les officiers doivent connaître parfaitement l'école de peloton et l'école de bataillon. Pour savoir le moins, il est bon de savoir le plus. Néanmoins, il est évident qu'il n'y aura lieu d'employer qu'un petit nombre des mouvements décrits dans l'une et l'autre école. Il est donc essentiel d'étudier ceux-là de préférence. Ils ont surtout pour but de régulariser la formation en bataille.

Voici les principaux

1° Le bataillon étant en bataille rompre à droite ou à gauche soit par pelotons, soit par sections, soit par demi-sections ;

2° Le bataillon étant en bataille, rompre en arrière à droite ou à gauche, soit par pelotons, soit par sections, soit par demi-sections.

Nota-bene. - Dans ce dernier mouvement, faire par le flanc sans dédoubler. - Du reste, l'autre manière de rompre est préférable ;

3° Le bataillon marchant en colonne par pelotons, rompre les pelotons;

4° Le bataillon marchant en colonne par sections, rompre les sections.

Nota-bene. - Ces deux derniers mouvements doivent s'exécuter au pas de gymnastique, afin de ne pas perdre de temps ni de terrain;

5° Le bataillon marchant en colonne par demi-sections, former les sections;

6° Le bataillon marchant en colonne par sections, former les pelotons.

Nota-bene. - Les pelotons ayant vingt mètres de front, le bataillon ne pourra marcher en colonne par pelotons que sur les plus larges chaussées.

La marche la plus habituelle sera en colonne par sections qui n'occupe que onze de front.

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On rompra les sections, avant d'entrer dans une rue ayant moins de douze mètres de large;

7° Le bataillon marchant en colonne par pelotons, ou par sections, ou par demi-sections, le former à droite ou à gauche en bataille.

Nota-bene. - Cette formation en bataille étant la plus prompte, est la meilleure. Mais elle présente des difficultés. On ne peut former régulièrement la colonne à droite ou à gauche en bataille, que si les pelotons, ou les sections ou les demi-sections ont exactement conservé leurs distances, c'est-à-dire si la distance qui les sépare est égale à leur front. Si elle est plus grande, il reste des vides dans le bataillon formé en bataille. Si, au contraire, la distance est moindre que le front, les fractions du bataillon, en arrivant à l'alignement, se heurtent et s'entassent les unes sur les autres, faute de place ;

8° La colonne étant en marche par pelotons, par sections ou par demi-sections, la former sur la droite ou sur la gauche en bataille.

Nota-bene. - Ce mouvement n'a pas les inconvénients du précédent, et devant l'ennemi, il a l'avantage d'ouvrir le feu dès le début de la formation. Mais, pour mettre simplement la colonne en bataille, il est d'une extrême lenteur.

Le mouvement de flanc, par dédoublement, a le très grand avantage de former instantanément le bataillon en colonne, s'il est en bataille, ou en bataille, s'il est en colonne. Mais il a cet inconvénient qu'il est impossible de serrer la colonne. En outre, les deux mouvements: faire par le flanc, et faire front, sont difficiles pour des hommes qui n'ont jamais été exercés. Néanmoins il sera utile d'enseigner cette manœuvre au bataillon, aussitôt qu'il sera organisé. L'intelligence des ouvriers Parisiens leur en fera comprendre le mécanisme en quelques minutes….

Des barricades.

Aucun mouvement militaire ne devant avoir lieu que d'après l'ordre du commandant en chef, il ne sera élevé de barricades que sur les emplacements désignés par lui.

Sous peine d'une prompte débâcle, les barricades ne peuvent plus être aujourd'hui une œuvre comme en 1830 et 1848, confuse et désordonnée. Elles doivent faire partie d'un plan d'opération, arrêté d'avance.

Dans ce système, chaque retranchement est occupe par une garnison qu'on abandonne point à elle-même, qui reste en communication suivie avec les réserves et en reçoit constamment des renforts proportionnés aux dangers de l'attaque.

Le tohu-bohu et l'éparpillement ne constituaient pas le seul vice des anciennes barricades. Leur construction n'était pas moins défectueuse.

Amas informe de pavés, entremêlés de voitures sur le flanc, de poutres et de planches, ce mauvais barrage n'était pas un obstacle pour l'infanterie qui l'enlevait au pas de course. Quelques gros retranchements peut-être, faisaient exception. Encore pas un seul n'était à l'abri de l'escalade. Ils servaient eux-mêmes d'échelle.

Arrêter les troupes, les contraindre à un siège, résister même assez longtemps au canon, telle est la destination d'une barricade. Il faut donc la construire d'après ces données, pour qu'elle atteigne son triple but. Jusqu'ici, elle n'y a pas satisfait le moins du monde.

Croquis de barricade

« Profil de la barricade complète, rempart et contre-garde avec glacis. Le rempart et le mur interne de la contre-garde sont maçonnés en plâtre. »

Dans l'état actuel de Paris, malgré l'invasion du macadam, le pavé reste toujours le véritable élément de la fortification passagère, à condition toutefois d'en faire un usage plus sérieux que par le passé. C'est une affaire de bon sens et de calcul.

L'ancien pavé, qui tapisse encore la majeure partie de la voie publique est un cube de 25 centimètres de côté. On peut, dès lors, supputer par avance le nombre de ces blocs qui sera mis en œuvre pour bâtir un mur, dont les trois dimensions, longueur, largeur et hauteur sont déterminées.

Barricade régulière.

La barricade complète consiste dans un rempart et sa contre-garde ou couvre-face.

Le rempart est en pavés maçonnés au plâtre, large d'un mètre, haut de trois, encastré par des extrémités dans les murs de façade des maisons.

La contre-garde, placée à six mètres en avant du rempart se compose de deux parties attenantes l'une à l'autre, savoir : un mur interne de mêmes dimensions et constructions que le rempart, et un glacis en pavés secs amoncelés s'étendant sur une longueur de quatre mètres jusqu'à l'entrée de la rue.

Un mètre cube contient 64 pavés de 25 centimètres de côté. Le rempart ainsi que le mur interne de la contre-garde ont toujours deux facteurs fixes, la hauteur 3 mètres, la largeur ou épaisseur un mètre. La longueur seule varie. Elle dépend de la largeur de la rue.

En supposant ici la rue de 12 mètres, et par conséquent, le chiffre 12, facteur commun pour le rempart, le mur interne maçonné du glacis, et le glacis lui-même, on aura:

Le cube total de la barricade et de sa contre-garde sera de 144 mètres qui, à 64 pavés par mètre cube, donnent 9186 pavés, représentant 191 rangées à 4 × 12 ou 48 par rangées. Ces 192 rangées occupent 48 mètres de long. Ainsi la rue serait dépavée dans une longueur de 48 mètres, pour fournir les matériaux du retranchement complet.

Le calcul n'ayant pas tenu compte de la place occupée par le plâtre dans le rempart et le mur interne de la contre-garde le nombre de pavés serait diminué d'autant. Il serait moindre encore dans le glacis, par suite des vides existant entre les pavés entassés en désordre.

Les petits pavés rectangulaires qui ont remplacé en partie le macadam des grandes voies, pourraient servir également à l'érection des barricades. Mais le travail des parties maçonnées serait plus long et consommerait plus de plâtre.

Dans tous les cas, il est bien évident qu'un pareil retranchement ne serait pas bâclé dans une heure. Or, il importe de se mettre en défense le plus promptement possible. On peut parer à cette difficulté.

Le détachement chargé de construire et d'occuper la barricade doit se rendre sur le terrain avec une voiture de sacs de plâtre, plus des brouettes, des voitures à bras, des leviers, des pics, des pelles, des pioches, des marteaux, des ciseaux à froid, des truelles, des seaux, des auges. Les réquisitions de tous ces objets seront faites chez les marchands…

 
…les familles qui habitent le front de défense, dans la partie de derrière de l'îlot.

Dans le cas où, par suite de communications interceptées, les vivres viendraient à leur manquer, les Républicains leur en donneront, en prévenant du fait les commissaires de bataillon pour qu'ils approvisionnent en conséquence.

Il faut encore le répéter: la condition sine qua non de la victoire, c'est l'organisation, l'ensemble, l'ordre et la discipline. Il est douteux que les troupes résistent longtemps à une insurrection organisée et agissant avec tout l'appareil d'une force gouvernementale.

L'hésitation les gagnera, puis le trouble, puis le découragement, enfin la débâcle. »

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