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lundi, 07 avril 2008

Agir communicationnel numérique et agir "TIC"

La maîtrise des TIC au travail ou maîtrise du travail par les TIC ?

Dans le prolongement de mes questionnements sur la notion de « fracture numérique », je reprends ici quelques aspects sous un autre angle : celui de la maîtrise des TIC, censé répondre à la lutte contre cette « fracture numérique ».

L’usage des TIC au travail désigne des dispositifs techniques d’une grande plasticité d’applications professionnelles, étroitement liées aux visées organisationnelles des services. L’informatique, support des technologies de l’information et de la communication, est omniprésente depuis de nombreuses années. Pourtant, l’introduction accélérée de nouveaux dispositifs et leur multiplicité peuvent aussi conduire à un écart accentué entre le réel et le possible, à un découragement surtout après de réels efforts d’adaptation.9f1daff5154501dbeee7325c75729bbd.jpg


Philippe Breton[1] nous rappelle que « certaines des compétences nécessaires pour l’accès aux nouvelles technologies sont directement liées, surtout sur le plan cognitif, à la maîtrise de l’écriture et à la capacité à structurer pensée et expression…Ces difficultés créent un obstacle à l’accès aux technologies que les technologies elles-mêmes ne résoudront pas. ». Il évoque aussi le « surinvestissement idéologique » autour des TIC.

Dans une collectivité publique, les modes de relations au travail, synchrones et asynchrones, multiplient les combinaisons relationnelles possibles, mais peuvent aussi conduire à des inégalités d’inclusion dans les collectifs de travail.

Le changement est permanent, et à mesure que des salariés se l’approprient, il semble parfois comme un horizon toujours repoussé.

L’anticipation, la maîtrise des dispositifs existants, la connaissance des dispositifs technologiques en devenir se posent particulièrement aux cadres. L’introduction de dispositifs techniques sans cesse recommencés influence directement la façon dont les salariés perçoivent leur collectif de travail, interroge sur la notion même d’apprentissage quand savoirs et savoir-faire sont, dès leur acquisition, considérés comme obsolètes. Enfin le travail réalisé/produit prend le plus souvent la forme d’un document numérisé avec une pratique importante de l’acte de rédaction.

Serge Proulx[2] parle de trajectoire d’usage, et considère qu’on ne peut se limiter à la question de l’usage mais que l’on doit évoquer une problématique de l’appropriation sous trois conditions : maîtrise cognitive et technique, intégration sociale dans la vie quotidienne, possibilité de créativité par la technologie.

Internet bouleverse aussi le rapport au travail. Des changements générationnels existent déjà au sein des générations internet. De l’écrit élitiste des débuts à la palette sémiotique et au web 2.0 d’aujourd’hui, l’offre de l’écran se renouvelle en permanence.

Enfin, il serait utile d’approfondir ces enjeux en direction des seniors qui vivent d’une façon particulière le rapport aux TIC, et pas forcément sous l’angle attendu. Une étude Dauphine-Cegos[3] porte un regard pertinent sur l’ambivalence de la perception par les seniors des TIC (impact des TIC sur le travail et perception plus stratégique, préjugés sur leur adaptabilité au changement,…). Il faut ajouter la question de la transmission des savoirs et savoir-faire posée par les départs en retraite massifs au cours des prochaines années.

Il convient en parallèle de mesurer les limites de la seule approche par l’usage. Nous préconisons en fait de sortir du cercle + de TIC, + d’efficacité, pour entrer par des approches centrées sur le métier. Sur cette base, il devient plus aisé de construire des parcours d’apprentissage, que nous pouvons identifier sur trois niveaux d’action auprès des salariés :

Découverte (permet dans différents domaines d’imaginer des possibles et de développer des usages)

Connaissance (autorise une efficacité au quotidien dans les pratiques professionnelles)

Appropriation (permet d’innover dans le métier en utilisant les TIC comme levier)

La "com"  reprend la main sur les "TIC" ?

Trop souvent, la lutte « contre la fracture numérique », conduit à utiliser le métier comme levier avec les TIC comme objectif.

Or, ne sommes-nous pas confrontés à une tentation permanente de vouloir maîtriser le travail par les TIC ? Que celui qui n’a jamais eu cette pensée me jette la première souris ! Ce qui pouvait encore fonctionner à un moment, avec des dispositifs informatiques lourds mais simples, ne peut trouver une efficience avec des besoins d’engagement fort de la part des principaux acteurs. Car, et c’est le nouveau de ces dernières années, les utilisateurs modèlent par leurs pratiques, les dispositifs numériques, parfois en temps réel (en ajoutant ou supprimant des fonctionnalités optionnelles, en particulier avec ce qui s’apparente au Web 2.O.

C’est ce qui me fait questionner la séparation entre TIC et communication numérique. La synergie entre dispositifs et contenus est telle, que la distinction devient le plus souvent obsolète et difficile à faire.

En effet, de nombreux projets (objets, sujets) nécessitent la contribution et le partage entre plusieurs acteurs issus de la communication, interne ou externe, de la DSI, de la DRH, de la Direction générale, ou bien d’une direction opérationnelle,…La notion de centre de gravité peut se substituer à celle de centre de décision, pouvant par là se situer tantôt à un endroit, tantôt à un autre. Ce centre de gravité pouvant même bouger au cours de la conduite d’un même projet. C’est ainsi je crois que de nombreuses organisations ont à re (penser) leur fonctionnement. Je pense à la lecture que j’ai faite d’un ouvrage original « Circus Company »[4], qui évoque à sa manière (parfois déroutante) le besoin de réactivité des organisations, qui propose la figure du trapéziste comme référence au besoin de sérendipité des entreprises face à ceux qui soutiennent « que l'envie de travailler en équipe tient à la qualité d'organigramme et de processus définis d'avance ».

En attendant de revenir plus avant sur cette dernière problématique, nous ne saurions trop recommander la lecture de l’excellent livre : Où va le travail à l’ère du numérique ?[5]

Sur le dernier point abordé, ce livre traite aussi la question de l’incertitude, des changements permanents liés aux organisations et aux TIC.



[1] Chercheur au CNRS, université de Strasbourg.

[2] Université du Québec

[3] Perception des TIC dans l’entreprise : les seniors et la fracture numérique GUILLOUX, KALIKA, LAVAL http://www.crepa.dauphine.fr/documents/Co/doc_ngoaX7.pdf

[4] Laurent Saussereau, Thierry Roussin, Eric Axel Zimmer Eyrolles (22 mars 2007)

[5] Sous la direction de Anne-France de Saint-Laurent-Kogan et Jean-Louis Metzger
Editions des Mines Paris, les Presses Paris Tech. 2007.  273 pages.
Cet ouvrage consacré à la relation entre technologies de l’information et collectifs de travail réunit les contributions de seize auteurs. Ces derniers sont issus des SIC (sciences de l’information et de la communication), de la sociologie et des sciences de gestion. Ils ont formé le groupe « Tic et collectifs de travail », au sein du GDR TIC & Société, lui-même créé en 2002 sous l’égide des départements SHS et STIC du CNRS et animé depuis lors par Eric Brousseau et Frédéric Moatty.

Commentaires

l’introduction accélérée de nouveaux dispositifs et leur multiplicité peuvent aussi conduire à un écart accentué entre le réel et le possible, à un découragement surtout après de réels efforts d’adaptation

Écrit par : resume services | lundi, 06 juin 2011

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