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lundi, 27 mars 2006

CPE: les blogueurs gagnent-ils la bataille du net ?

Peut-on parler d'un échec pour ceux qui ont tenté d'instrumentaliser le net, et en particulier les blogs autour du CPE ? Je serais tenté de l'affirmer. Car en quelques semaines, ce ne sont plus les blogs créés pour ou contre le CPE qui font florès, mais plutôt les milliers de billets (30 246 recensés par Technocrati le 25 mars) qui parlent du CPE, des manifestations, des violences, des points de vues sur les formes de lutte, sur les positions des réprésentants du gouvernement, dans des blogs existants. Les initiatives très téléguidées "d'aide à la création de blogs pour le Cpe" n'ont pas été le modèle retenu par les blogueurs, y compris pas ceux qui partageaient le même point de vue.


Sans remettre en cause la légitimité des blogs "officiels" ou des sites qui constituent une référence collective ( stopcpe par exemple), la multiplication des blogs balaie un très large éventail de motivations et d'expressions. Bien entendu, les blogs militants, utilitaristes gardent toute leur pertinence. La dernière période voit aussi une montée en puissance des blogs "anti blocage" et une désafection des blogs "pro-cpe", suivant en cela l'évolution du mouvement. Les médias classiques sont cependant encore une vraie valeur à voir le succès de l'interview vidéo-podcast de Karl Zéro qui se prononce contre le Cpe et dont la blogoshère parle beaucoup ce week-end.

On assiste en parallèle à une véritable explosion d'un journalisme nouveau fait par les acteurs eux-mêmes sur leurs blogs. C'est aussi la première fois que les sites de grands journaux offrent à leurs lecteurs la possibilité de publier des photos et des vidéos, comme le fait le nouvel observateur par exemple.

Flickr, l'éditeur en ligne de photographies à partager et qui avait déjà connu une forte poussée au moment du Tsunami, voit aujourd'hui de nombreux apprentis reporters publier leur photographies sur le CPE (ou plus exactement sur les manifestations). Je remarque que ce que l'on reproche aux médias (la couverture de l'incident ou du sensationnel plus que l'évènement lui-même) n'épargne pas nos apprentis reporters qui se délectent souvent de la mise en images du spectacle des scènes de violence...

Nos amis étrangers notent aussi le phénomène blog dans le mouvement comme par exemple cet article en anglais "Viva la revolution; blogstyle" , "la révolution anti-libérale de la France" vue de Colombie ou encore ceux qui ont repéré nos nouvelles icônes.

Il est encore trop tôt pour évaluer l'impact d'internet et des blogs en particulier. Ce qui est sûr, c'est qu'à côté de la montée en puissance des consultations sur les sites institutionnels (syndicats, partis, journaux,...), le nombre de blogs parlant CPE a littéralement explosé. Leur fonction semble d'ailleurs plus jouer sur le registre de l'énonciation des mobilisations, puisque les arguments pour ou contre le CPE ont rapidement été échangé. Comme dans tout mouvement social, ce qui importe le plus, c'est le ...mouvement. D'où les échanges rapides sur les décisions, les appréciations de telle ou telle déclaration qui font la fortune des blogs. Les blogs ont sans doute contribué à la mobilisation lycéenne.

Dans un autre registre, lire également l'article sur le CPE paru dans Wikipédia pour l'intérêt de l'exercice : parvenir à écrire sur un sujet aussi conflictuel dans l'encyclopédie de référence sur internet. Le wiki aurait-il des vertus d'apprentissage de la démocratie? La phrase de précaution est utile et pleine de sagesse, tout en offrant une méthode de débat par la page dédiée : "Ceci est un article sujet à une controverse de neutralité (voir Wikipédia:la neutralité de point de vue) qui concerne le thème "Politique, droit et société" . Considérez-le avec précaution. Il est possible d'en discuter pour l'améliorer sur la page dédiée."

Commentaires

La question est de savoir si l'on peut d'une part "instrumentaliser" le net et d'autre part si le volume d'opinions exprimées garantit une d'objectivation. Dans la logique "communautaire" de l'internet, la circulation de l'information est vue sous sa forme la plus originelle. La "communauté" des bloggeurs intervient plus sous forme de billets d'humeur que dans une démarche dite journalistique où une info publiée est le fruit d'une investigation ou l'on cherche à recouper, vérifier voire analyser une information.
Sur le net, c'est la "masse" des informations misent à disposition qui garantit, théoriquement, l'objectivation de l'information elle-même.
A priori "instrumentaliser" le net est donc difficile voire impossible, c'est un espace d'expression théoriquement libre de toute contrainte, ce qui se vérifie dans la volonté des pouvoirs politiques dans juguler ce qu'ils considèrent comme des dérives.
La question qui se pose alors est celui d'une lecture critique de l'ensemble de ces "humeurs" et celle d'une pseudo légitimité de l'expression liée au volume des avis exprimés.
"L'information c'est la signification plus l'intentionnalité qui la fait propager", cette phrase de R. THOM mathématicien et philosophe français connu pour sa "théorie des catastrophes", décrit la façon dont certains "systèmes" ou organisations peuvent évoluer lorsque l'on fait varier un paramètre. Il ajoute : "Ce qui limite le vrai n'est pas le faux, mais l'insignifiant", on est bien sur le champ de l'opinion portée par une expression, celle de "l'émetteur d'information" en rapport à celle l'esprit critique du "récepteur".
On y ajoutera cette phrase de J.LE MOIGNE spécialiste français de la systémique (analyse des systèmes et des organisations) : "L'information informe l'organisation qui la forme" pour "conclure" que l'interaction est forte entre le mode de gestion de l'information et l'organisation ou la société qui la produit.
Cela interroge le rôle de l'image dans nos sociétés et la posture du "témoin", mais, à mon avis, ne traduit en rien l'émergence d'un "journalisme" d'un mode nouveau.

Écrit par : Michel CLOUIN | lundi, 27 mars 2006

En ce qui concerne l'article wikipédia sur le CPE (à noter que la page est désormais semi-protégée), j'étais la semaine dernière à une assemblée générale à la faculté des lettres et une des premières intervenantes est venue prendre le micro avec, dans les mains, ce même article imprimé : "je voulais simplement vous informer, objectivement, parce que c'est wikipédia, c'est neutre" disait-elle.

Il est évident que cette source d'information joue un rôle tout particulier dans le sens ou sa fiabilité sur des faits récents (manifs sur le CPE par exemple) est considérée comme forte, on donne une certification "encyclopédique" à des évenements qui se déroulent à l'heure actuelle. j'ai l'impression que quelque chose se passe de ce côté là, sans vraiment pouvoir en donner une explication claire. En tout cas selon moi il ya beaucoup de pouvoir dans ces articles.

++

Écrit par : Palpitt | mardi, 04 avril 2006

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